Quand Marcel Proust porta à ses lèvres une cuillerée du thé où il avait laissé s’amollir un morceau de madeleine, à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha son palais, il tressaillit, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en lui. Un plaisir délicieux l’avait envahi….
Cet instant lui redonna à vivre le souvenir de sa tante Léonie lui offrant après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul, ce petit morceau de madeleine.
Et vous, quelle est votre madeleine musicale ?
Faites nous part de la musique qui en vous induit la vibration d’un bonheur déjà vécu.
Couchez sur papier l’expérience de cette écoute qui déclenche en vous un souvenir d’enfance, d’adolescence ou de jeune adulte car point n’est réservé à l’enfant la bonté d’un instant.
En deux mots ou dix lignes, dites-nous votre émotion.
Envoyez votre texte sur notre mail (mosaicq@gmail.com) avec titre et auteur-e du morceau de musique (avec un lien si vous le souhaitez)
Signez s’il vous plait, d’un prénom, d’un nom, d’initiales, d’un anagramme ou si tel est votre choix restez anonyme.
Nous prendrons ce qui vient ; Faites nous signe !
Ceci n’est pas un poisson ; Alors à vos plumes !
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Hippocampe – Mémoire épisodique. C’est la mémoire de nos souvenirs, de ces événements, lieux et personnes qui ont marqué notre vie. On l’appelle aussi la mémoire autobiographique. Chaque moment est composé de souvenirs sensoriels (olfactif, visuel, auditif), que l’hippocampe se charge de lier entre eux pour composer un ensemble, un souvenir global. Le lien entre les différentes régions corticales finit par devenir si fort que le souvenir peut se “réactiver” sans l’intervention de l’hippocampe. Le souvenir peut alors resurgir comme “appelé” par une odeur, une chanson… C’est le fameux phénomène de la madeleine de Proust.
Les souvenirs particulièrement intenses émotionnellement activent une zone supplémentaire du cerveau : l’amygdale.
Cette mémoire émotive fait partie de la mémoire implicite et nous permet de nous souvenir des émotions associées à un souvenir en particulier, et de les ressentir à nouveau chaque fois que ce souvenir est rappelé.
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Dès les premières mesures saccadées de cet album acoustique de Hot Tuna, je suis projeté dans le petit espace d’une chambre du foyer des jeunes travailleurs où je créchais à cette époque. Le vinyle grésille doucement sur le tourne-disque placé hors de portée des maladresses. Il y a là Camille, Jean-François, Yann, Philippe, … guitariste, apprenti bijoutier dégingandé, manoeuvre dans les grands frigos du port, aspirant tapissier… La chambre est enfumée malgré la fenêtre coulissante grande ouverte sur la nuit et les odeurs océaniques.
Nous sommes concentrés sur la musique. Petit à petit nos yeux se croisent, des sourires se forment. Soudain nous nous figeons, il est là tout proche, il va arriver. Au détour des accords de guitare, on entend distinctement un bruit de verre brisé qui nous ravit. Cet instant de complicité, la musique, les regards, la nuit, est passé par dessus les années.
Jean-michel
Ecoute par ici Hot Tuna. « Uncle Sam Blues » (verre brisé vers 50’)
Ecoute Hot Tuna. « Oh Lord Search My Heart » (extrait trop bon)
« A Horse with no name » d’America
Je vois que le titre date de 71, mais c’est en 75 qu’il s’est imprimé dans mon cerveau d’adolescente, en aout à l’Ile de Ré. Un été en bandes joyeuses, pieds nus et robe à fleurs dans les ruelles blanches de Saint Martin.
Nous avons écouté en boucle cette chanson dans une maison de rêve, aux parquets anciens, sentant l’encaustique, aux pièces profondes pleines d’ombres, vides et silencieuses.
Dans le tourbillon des vacances, je n’ai jamais osé déclarer ma flamme à ce garçon qui nous invitait. J’ai oublié son nom et son visage, mais pas la musique…On écoutait aussi Boris Vian.
La vidéo du vinyle qui accompagne est particulièrement adaptée !
Signé : K-JO
« A Horse with no name » América – Ecoute par ici
Voici un souvenir durable : l ‘ accordéon que j’adore toujours, (oui oui) et qui est indissociable du dimanche matin quand j’avais 6 /7 ans ( ça fait….en 1952 de notre ère ) et que mon père se faisait la barbe sous mes yeux, attablé devant un petit miroir sur la table de la cuisine, le menton nappé de crème chantilly, rasoir effilé dangereusement et brosse mousseuse à l’ancienne, un cérémonial qui me fascinait au son d’une musique d’Astor Piazzola ou d’Yvette Horner. Peut être « perles de cristal » ou paso doble voire tango (la cumparsita ) avant le départ pour la messe ou nous allions tous en famille.
Mijo
Ecoute « Perles de cristal » par ici
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Voici une madeleine…qui vient de quelqu’un qui n’écoute plus de musique, et ne s’y connait plus dans le monde actuel de la chanson…Une madeleine qui vient du fond des âges…et qui a gardé toute sa force.
Ma madeleine, c’est le chant des partisans, celui chanté par Germaine Sablon…la seule interprétation qui ait vraiment la force d’entrainer des partisans, des maquisards. Les autres interprétations sont décoratives, on n’y entend pas le souffle de la résistance.
Si le choix de cette madeleine vous parait triste, je veux vous détromper : c’est un choix fort, et l’appel à lutter tous ensemble pour la liberté est un soulèvement joyeux de tout l’être…
Signé : Mando…âgée de 82 ans et qui a des forts souvenirs de la guerre.
Le chant des partisans – Ecoute par ici
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Ma madeleine musicale à moi, c’est un air du Concerto pour violon et orchestre de Ludwig van Beethoven
On l’entend entre la 34ème et 36ème mn.
Mon père sifflait toujours cet air là entre ses dents quand il bricolait … et je me surprends quelques fois à en faire autant.
Marie- Hélène
Concerto pour violon et orchestre- Beethoven – Ecoute par ici
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Certes, la guitare n’était pas belle. Mais c’était la mienne.
Je l’avais achetée pour trois sous dans un bric-à-brac avec mes maigres économies. A 16 ans, comme tant de jeunes, j’étais aspiré dans la contestation, manifestée dans la musique, les fleurs et la revendication d’une libération dans tous les domaines. Nous étions dans les années 60 et Bob Dylan était la voix de cette remise en question de l’ordre établi. Je voulais apprendre à jouer afin de pouvoir chanter « Blowing in the Wind ».
Dring, dring, dring. 3 accords de sol puis une longue pause pour repositionner les doigts. Dring, dring, dring. 3 accords de do, puis une nouvelle pause interminable…..
Plus de 50 ans plus tard, j’ai moins besoin de jouer de la guitare car j’ai compris que la liberté est à l’intérieur de chacun de nous. Mais la musique de Dylan, avec sa voix rauque et authentique, son accompagnement simple et dépouillé, me fait revivre avec plaisir cette époque d’insouciance et d’optimisme.
John
Blowing in the wind – live 1963 – Ecoute par ici
Le dimanche, fin de matinée, vers 11h45 entre 1974 et 1981
Instant calé entre la longue matinée de jeux et l’appel au repas dominical.
L’accès au poste de TV est autorisé ce seul jour, à condition de pouvoir endurer le froid ; la pièce n’est pas chauffée. Elle ne l’est qu’à de grandes (et rares) occasions ; les repas d’amis.
12h. Calés dans les fauteuils, parfois en fratrie bien serrée pour se tenir chaud. La musique du générique joue son effet magique. C’est parti pour 15 mn de bonheur. La séquence du spectateur démarre. C’est une musique et aussi une voix au timbre chaleureux qui présente les synopsis des films sélectionnés. Chaque extrait m’emporte vers des univers insolites, me donne appétit mais donne aussi à vivre de petites frustrations… ce ne sont que des extraits…
Quand la séquence est terminée, la voix nous salue. A dimanche prochain, même heure. Générique de fin.
Si la pièce est chauffée, c’est bon signe ; signe que les invités vont arriver ; ce sera un dimanche joyeux.
Laurence